La reconversion des friches industrielles
Patrimoine, modernité et renouvellement urbain
Mémoire disponible ici : https://issuu.com/mslemaire96/docs/memoire_manon_lemaire
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Les villes d’aujourd’hui se construisent sur les traces des sociétés passées. L’UNESCO définit le patrimoine culturel comme « dans son sens le plus large, à la fois un produit et un processus qui fournit aux sociétés un ensemble de ressources héritées du passé, créées dans le présent et mises à disposition pour le bénéfice des générations futures. (...), ces ressources constituent des « richesses fragiles » et nécessitent comme telles des politiques et des modèles de développement qui préservent et respectent la diversité et le caractère unique du patrimoine culturel, car une fois perdues, elles ne sont pas re-nouvelables. » Plus précisément liées au patrimoine culturel bâti, les notions de conservation et de protection sont importantes car ce patrimoine d’une autre époque n’est plus dans la plupart des cas, adapté aux modes de vie actuels. Se pose alors la question de l’usage de ces bâtiments. La conservation du patrimoine architectural du XVIIème siècle ou du XVIIIème siècle semble incontestable. Mais en ce qui concerne le patrimoine industriel, se pose la question de l’intérêt de sa réhabilitation. Héritage de la révolution industrielle du XIXème siècle, il comprend tout un ensemble de constructions destinées à accueillir des unités de production. Il se compose dans la majorité des cas de grands espaces caractérisés par l’utilisation de la brique et du métal. La dimension esthétique de cette architecture est souvent reléguée au second plan, au profit des aspects fonctionnels et pragmatiques.
Dans les années 1970, de nombreuses friches industrielles apparaissent dans les villes. Selon Saffache, elles peuvent se définir comme des « surfaces laissées à l’abandon, non encore construites ou supportant des constructions insalubres, en milieu urbain ». Pour Dumesnil et Ouellet, ce sont d’« anciens sites industriels - usines ou terrains associés à des usines, tels des entrepôts ou des décharges - qui sont maintenant abandonnés ou sous - utilisés ». Les principales causes de ces fermetures sont la crise économique qui suit les Trente Glorieuses ainsi que le développement de la concurrence liée à la mondialisation. L’étalement important des villes à cette même période va obliger les entreprises à fermer ou délocaliser leur production, à l’origine implantée en périphérie, mais progressivement rattrapée par le bâti. Ces espaces représentent un enjeu réel pour les villes d’aujourd’hui. En effet, ils font partie de l’histoire de la ville, de son développement et de sa culture. La conservation de ces lieux atypiques est souvent un sujet de désaccord, car en l’état, ils représentent un obstacle au développement de la ville. Mais ils constituent dans le même temps, une ressource foncière importante et leur démolition dans le but de reconstruire, occasionne inévitablement une perte de l’identité historique du quartier.
Lorsque les villes sont confrontées aux difficultés posées par l’étalement urbain, les politiques locales tentent de trouver des solutions adaptées. Depuis les années 2000, les villes d’Europe ont adopté la « reconstruction de la ville sur elle-même » (Spector et Theys, 1999), en densifiant le bâti existant. Dynamique associée à celle du « développement durable et de la requalification urbaine ». Ces deux approches mettent au premier plan les friches industrielles.
La reconversion, en opposition à la destruction, a pour objectif de préserver le passé du bâtiment tout en lui offrant une deuxième vie (ces lieux appartiennent généralement aux mairies et leur reconversion dépend souvent de la volonté des collectivités locales à y créer de nouveaux espaces ou à un besoin de visibilité ). La notion de friche industrielle est une thématique qui selon moi doit être traitée comme un potentiel architectural à réhabiliter, de manière à reconnecter des quartiers oubliés à la ville moderne. Ce processus doit prendre en considération l’histoire et la culture associées au lieu et les interventions doivent mettre en avant les parties existantes du bâtiment. Il n’y a pas de règle en matière de reconversion et les interventions sont très variées, parfois conservatrices, parfois destructrices.
Cette dynamique de reconversion des sites industriels est un phénomène qui se développe énormément depuis les années 2000. Les projets sont très divers, autant en terme de programme que de traitement de l’existant. Ce qui m’amène à m’interroger sur les différentes méthodes à adopter, ainsi que sur leurs conséquences sur le site en lui-même et sur son environnement.
Mes recherches sur le sujet m’ont permis de constater qu’une grande majorité de ces sites reconvertis ont aujourd’hui une vocation culturelle. La raison de cette orientation pourrait être liée à la contrainte imposée par la structure du bâtiment industriel, offrant souvent de grands espaces. Il s’agit aussi dans beaucoup de cas de bâtiments publics appartenant à la ville ou aux collectivités locales, ce qui peut expliquer leur reconversion pour un usage destiné au grand public.
Mes recherches m’ont amenée à penser que le choix d’un programme culturel, évènementiel ou associatif est à la fois une manière de faire vivre les lieux tout en limitant les interventions sur le bâtiment existant et ainsi de préserver une part de son histoire. Les programmes culturels qui étaient pour moi à priori un prétexte à la transformation, se voient justifiés à travers les démarches politiques, géographiques et sociales mises en place.
Je m’appuie dans mon mémoire sur deux cas de reconversions, afin d’appréhender la relation étroite entre la friche industrielle, le programme culturel et l’impact urbain. En premier lieu, il s’agit du Matadero situé à Madrid et qui à l’origine servait d’abattoirs. Aujourd’hui en partie reconverti, le nouveau programme accueille entre autres une bibliothèque, des salles d’exposition et un restaurant. Le deuxième site étudié est celui de la Sucrière à Lyon. Il s’inscrit dans un projet de réaménagement plus global, la Confluence. L’ancienne usine de sucre accueille désormais de nombreux évènements, notamment la Biennale d’art contemporain.
Ces deux anciens sites industriels ont des similitudes. Construits initialement à l’extérieur du centre historique et en bord de fleuve, ils ont vu le développement des villes les rattraper. De plus, leur reconversion s’est inscrite dans un programme culturel. Il me semble intéressant de comprendre comment ces projets ont été mis en œuvre, grâce à quels acteurs et comment le passage d’un état de friche industrielle à un bâtiment aux usages nouveaux a influencé le quartier dans lequel chacun de ces projets s’intègre.
Parallèlement à ces deux analyses je m’appuie sur d’autres projets afin d’établir une vision plus globale du sujet et d’en comprendre à la fois les complexités et les possibilités qui y sont attachées.
Consulter le mémoire : https://issuu.com/mslemaire96/docs/memoire_manon_lemaire